Portrait

André-Fernand Anguilé, premier archevêque gabonais métropolitain de Libreville

André-Fernand Anguilé, premier archevêque gabonais métropolitain de Libreville
André-Fernand Anguilé, premier archevêque gabonais métropolitain de Libreville © 2020 D.R./Info241

Bien que des premiers acteurs locaux du clergé catholique gabonais tels que Jean Urbain Obame Ntoutoume, Jean-Baptiste Adiwas aient joué le rôle de pionniers dans l’expansion territoriale de la religion catholique et dans la formation de plusieurs autochtones, l’on considère Monseigneur André-Fernand Anguilé comme le père de l’église catholique du Gabon. Même Mgr François Ndong Odene Ndoutoume, qui fut le premier évêque du Gabon et d’Afrique centrale ordonné en 1961, ne semble pas être aussi plébiscité que Mgr Anguilé dont nous vous proposons le portrait aujourd’hui.

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C’est au village du défunt roi côtier Mpongwé « Quaben », devenu aujourd’hui le quartier Louis, établit dans la ville de Libreville que vient au monde le 15 mai 1922 André-Fernand Anguilé. Il était Mpongwè, une sous branche de l’ethnie Ngwèmyèné, et était le seul garçon de sa mère qui avait aussi deux autres filles.

 Itinéraire scolaire et vocation au sacerdoce

C’est à l’école Montfort qu’il débute son cursus scolaire sous les ordres des frères Just, Léonard, Philibert et le célèbre frère Macaire faisant partie de la puissante congrégation laïque masculine de droit pontifical « Les frères (de l’instruction chrétienne) de Saint-Gabriel ». Le frère Macaire né Germain Clémenceau le prendra sous son aile, le considérant comme son propre fils ; le jeune Anguilé porta une estime particulière en retour pour ce dernier qu’il songea pour la première fois à devenir prêtre. Mais l’idée déplu à ses parents qui le voyait exercer une autre profession pour subvenir aux besoins de ses consanguins ; de plus, il était fils unique.

Il poursuivra ses études au séminaire Saint-Jean de Libreville après qu’il eut décroché son Certificat d’Etudes Primaires Elémentaires (CEPE). On est au milieu des années 1930. Ledit séminaire n’est pas anodin, c’est le temple du savoir qui forme l’excellence indigène. Mais Anguilé a fait son choix, il fera des études de prêtrise.
Il démarre ainsi ses études pour devenir prêtre aux côtés de l’expérimenté abbé Jean-Baptiste Adiwa qui l’initie à la philosophie.

Afin de valider son cycle de théologie, il se rend en 1946, au grand séminaire de Brazzaville. Après avoir passé quatre ans de formation sacerdotale, il est fait prêtre en même temps que son cousin, l’abbé Jean-Marie Rapontchombo, le 2 juin 1950 dans la cathédrale Sainte-Marie ; tout un symbole pour cet édifice religieux qui est la plus ancienne église mère d’un diocèse inaugurée en 1864.

L’année d’après, précisément en octobre 1951, il est nommé vicaire de la mission Saint-Louis à Port-Gentil où il retrouve les abbés Henri Clément et Jacquard. Le frère Jacquard n’est pas inconnu du prêtre Anguilé. En effet, c’est lui qui a fondé le collège Bessieux en collaboration avec les spiritains (missionnaires du Saint-Esprit). En 1954, André-Fernand Anguilé revient à Libreville pour officier toujours comme vicaire mais cette fois à l’ancienne église Saint-Pierre qui se trouvait en lieu et place du Palais de Marbre (actuelle présidence de la république).

 L’accession à l’archidiocèse de Libreville

Après avoir été nommé curé un an et demi plus tard alors qu’il était vicaire à la cathédrale Saint-Pierre depuis 1954, l’archevêque métropolitain de l’archidiocèse de Libreville et missionnaire spiritain, Jean-Jérôme Adam, décide de l’envoyer continuer ses études en France pour pourvoir aux commandes de l’archevêché de Libreville. A son retour de France, il est nommé Directeur de l’Enseignement Privé Catholique de 1960 à 1969. Mais en 1968, il avait été porté à la fonction de vicaire général près l’archidiocèse de Libreville.

Il devient le deuxième gabonais à être nommé évêque le 29 mai 1968, le premier étant Mgr François Ndong Odene Ndoutoume, faisant partie de la mission de Saint-Paul de Donguila. Tous deux étaient originaires de la ville de Libreville, capitale de la province l’estuaire et du Gabon. Mais coup de tonnerre à l’archidiocèse de Libreville, l’archevêque Jean-Jérôme Adam décide de démissionner après avoir passé 11 ans à occuper cette haute fo

André-Fernand Anguilé obtient le graal tant attendu le 29 mai 1969 : il devient le premier archevêque gabonais métropolitain de Libreville. Trois moi après, il est convoqué dans la capitale ougandaise, Kampala, pour être ordonné Archevêque par le pape Paul VI lui-même ; lors de sa consécration en Ouganda, le pape Paul VI affirma « Vous êtes désormais vos propres missionnaires. ». Ce principe ne quitta jamais Mgr Anguilé. Deux semaines plus tard, il fut intronisé par le clergé catholique dans la cathédrale Sainte-Marie de Libreville qui était noire de monde pour l’occasion.

C’était un 15 août. Il faut dire que la nomination de Mgr André-Fernand Anguilé était conditionnée par la présence d’évêques suffragants. Ce terme désigne un évêque, diocésain ou non, qui dirige l’administration d’un diocèse sous la supervision de son archevêque. Par ailleurs, durant son couronnement en 1969, André-Fernand Anguilé en avait deux : Mgr Raymond Marie Joseph de la Moureyre (français) dans la ville de Mouila et Mgr François Ndong Odene Ndoutoume à Oyem. En effet, ces deux évêques avaient dorénavant le statut de « évêque résident de plein droit », mettant fin à la fonction très limitée de Préfet ou vicaire apostolique. Mgr Anguilé restera archevêque métropolitain de Libreville de 1969 à 1998, soit 29 ans de règne à la tête de l’église catholique du Gabon.

 Positions politique et sociale à l’encontre des autorités

Etant au service de ses fidèles dont la plupart était issue de la classe moyenne gabonaise, Mgr André-Fernand Anguilé ne rata jamais une occasion de rappeler à l’ordre les dirigeants politiques du pays. En effet, les politiques sociales et économiques mises en place par les pouvoirs publics étaient peu nombreuses pour accroître le développement du pays, escompté par les populations ainsi que l’amélioration qualitative et quantitative des conditions de vie et de travail. Lors de ses nombreux homélies, l’archevêque tirait à boulet rouge sur les décisions gouvernementales prises par le régime en place, qui était bien-sûr celui du jeune président Albert Bernard Bongo, successeur du feu président Léon Mba désigné par la France. Faisant fît de l’injonction constitutionnelle séparant pouvoir exécutif et clergé, il n’hésitait pas à s’immiscer dans les carences de la politique du feu président Bongo.

Conscient de l’impact importantissime de l’Eglise catholique sur les populations gabonaises qui a participé activement à la formation des cadres politiques des années pré et postindépendances, ils voient en eux des porte-paroles légitimes pour défendre les principes d’éthique et de justice inculqués prôné par le clergé. Mais l’instauration du monopartisme avec pour cheval de bataille le grand parti de masse, le Parti Démocratique Gabonais (PDG) mis en musique dès le 12 mars 1968, fait craindre à Mgr André-Fernand Anguilé la mise des pratiques autoritaires.

Il avait vu juste et s’insurge contre l’administration Bongo qui bafouent honteusement et sans pitié aucune, les droits de l’homme en terre gabonaise. Arrestations arbitraires, assassinats, intimidations en tout genre sont là les problèmes sociétaux auxquels les concitoyens de Mgr André-Fernand Anguilé font face. L’archevêque s’ingère dans les affaires politiques et dénonce, à la vue des nombreux écarts constatés, des comportements barbares à proscrire.

Certes, l’archevêque Anguilé savait que la colonisation débuta au Gabon par l’arrivée des missionnaires européens, français en l’occurrence, mais il avait foi que cette donne change pour que l’on se serve dorénavant de l’Eglise, comme d’un rempart pour protéger les plus faibles. C’est pour cela, qu’en tant que première autorité morale du pays, il devait proposer des directives de bonne gouvernance relatives à une gestion saine des deniers publics, profitables à tous. C’est ce qu’il s’empressa de faire, sans relâche, depuis qu’il était devenu évêque jusqu’à son accession à la tête de l’église du Gabon.

Durant ses 29 ans aux commandes de l’archidiocèse de Libreville, il se fit l’avocat des « sans-voix » mais aussi le chantre du bon sens, des valeurs démocratiques et le partisan du vivre-ensemble dans l’harmonie, la concorde et la fraternité. C’est sans doute ce qui justifia ses relations tendues et inamicales avec les autorités de son pays, qui considéraient qu’il interférait dans la gestion de la Cité. Ses prises de position lui ont donné une notoriété on ne peut plus importante, impactant de facto le prestige et le respect des gabonais vis-à-vis de l’église catholique qui avait en ces temps de règne de André-Fernand Anguilé, une splendeur et une renommée jusque-là jamais inégalée.

 Disparition et successeurs

Le deuxième prélat gabonais de l’église catholique, Mgr André-Fernand Anguilé, s’éteint à Libreville le 10 décembre 2001, trois ans après avoir pris sa retraite en tant qu’archevêque.

Le 3 avril 1998, Mgr Basile Mvé Engone succède à Mgr André-Fernand Anguilé. C’est un prêtre salésien ordonné par Mgr François Ndong Odene Ndoutoume en 1973 à Oyem ; par la suite, il obtiendra sa consécration épiscopale et sa nomination en tant qu’évêque Co adjudicataire le 24 août 1980 par l’évêque François Ndong Odene Ndoutoume en présence d’un autre évêque du nom de Félicien-Patrick Makouaka et de l’archevêque du Gabon, Mgr André-Fernand Anguilé.

Il restera 22 ans à la tête de l’archidiocèse de Libreville. Après avoir renoncé au gouvernement pastoral à l’âge de 78 ans, Mgr Basile Mvé Engone est remplacé par Mgr Patrick Iba-Ba, ancien évêque de Franceville (chef-lieu de la province du Haut-Ogooué), devenant à l’occasion le 4ème archevêque métropolitain de Libreville et ce depuis le 20 mars 2020.

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