Différend frontalier avec la Guinée équatoriale : les arguments du Gabon devant La Haye
Ce mercredi, Guy Rossatanga-Rignault, secrétaire général de la présidence gabonaise et avocat du Gabon dans ce dossier épineux, a présenté les arguments du Gabon devant la Cour internationale de justice (CIJ) de La Haye (Pays-Bas) concernant le différend frontalier avec la Guinée équatoriale. Cette querelle, qui dure depuis plusieurs décennies, concerne la délimitation terrestre et maritime, ainsi que la souveraineté des îles Mbanié, Cocotiers et Conga, situées dans la baie de Corisco. La rédaction d’Info241 vous livre l’essentiel de son plaidoyer.
Dans sa prise de parole limitée à 30 minutes lors du premier tour des plaidoiries du Gabon, Rossatanga-Rignault a d’abord souligné l’importance historique du conflit, remontant aux périodes coloniales. Il a expliqué que ce différend ne date pas de 1972, comme l’affirme la Guinée équatoriale, mais bien de l’époque des rivalités entre la France et l’Espagne dans le golfe de Guinée. Il a notamment rappelé le Traité du Pardo de 1778, par lequel le Portugal avait cédé certains droits commerciaux à l’Espagne dans cette région, créant une base de revendications territoriales floues.
Querelles coloniales européennes
Pour appuyer son argumentation, Rossatanga-Rignault a insisté sur les conséquences des colonisations européennes dans cette zone, en soulignant que les incertitudes sur les frontières étaient largement dues aux imprécisions des accords entre les puissances coloniales, notamment la Convention de Paris de 1900 entre la France et l’Espagne. Cet accord avait délimité de manière vague les frontières terrestres, sans traiter de manière claire la question des îles.
Une vue de la salle d’audience de La Haye
Le secrétaire général a ensuite rappelé l’importance de la Convention de Bata, signée en 1974 par les deux pays. Ce traité, selon lui, est un document clé qui reconnaît explicitement la souveraineté du Gabon sur les îles Mbanié, Cocotiers et Conga. Rossatanga-Rignault a critiqué la Guinée équatoriale pour son refus persistant de respecter cet accord, alors même que ce texte avait été signé après des années de négociations bilatérales et de médiation africaine.
Le compromis de 2016
Selon Rossatanga-Rignault, la question centrale soumise à la CIJ ne devrait pas être la redéfinition des frontières ou de la souveraineté sur les îles, mais plutôt le respect des engagements internationaux pris dans le cadre du Compromis de 2016. Ce compromis, négocié sous l’égide des Nations Unies, a été signé par les deux parties pour soumettre le différend à la Cour. Le Gabon, à travers son plaidoyer, soutient que la Convention de Bata de 1974 règle définitivement cette question.
L’intégralité de ce plaidoyer
Le Gabon estime que la Guinée équatoriale cherche à étendre ses revendications au-delà des termes de la Convention de Bata. Rossatanga-Rignault a dénoncé ce qu’il a appelé une tentative de "réécriture de l’histoire" par la Guinée équatoriale, qui vise à transformer un différend bien délimité en un conflit plus large portant sur la délimitation territoriale et maritime. Selon lui, cette démarche est contraire aux principes du droit international et met en péril la sécurité juridique entre les États.
Des médiations bloquées
Rossatanga-Rignault a également évoqué les tentatives infructueuses de médiation dans les années 2000, qui, malgré les efforts des Nations Unies, n’ont pas permis de trouver un terrain d’entente. Il a souligné que le Gabon a toujours montré une volonté de dialogue et de coopération, mais que les positions intransigeantes de la Guinée équatoriale ont rendu toute avancée impossible.
Concernant les incidents survenus autour des îles litigieuses, Rossatanga-Rignault a rappelé plusieurs épisodes de tensions, notamment les attaques armées équato-guinéennes contre des pêcheurs gabonais aux abords de Mbanié dans les années 1970. Il a également souligné la menace de la Guinée équatoriale en 1972 d’envahir ces îles, ce qui avait contribué à l’escalade du conflit à l’époque.
Respect des accords internationaux
Dans ce contexte, le plaidoyer du Gabon devant la CIJ vise à réaffirmer la validité de la Convention de Bata, tout en condamnant les tentatives de la Guinée équatoriale de modifier les faits historiques et juridiques. Rossatanga-Rignault a rappelé que le Gabon demeure fermement attaché au principe pacta sunt servanda, qui impose le respect des accords internationaux.
Le Gabon a également réitéré son engagement à trouver une solution pacifique à ce différend, tout en insistant sur le respect du droit. Rossatanga-Rignault a affirmé que « la Cour ne doit pas céder à la volonté de la Guinée équatoriale de redéfinir un différend déjà résolu par un traité bilatéral » . Il a exprimé la confiance du Gabon dans le fait que la CIJ saura reconnaître la pertinence des arguments gabonais et maintenir l’intégrité des accords signés.
En somme, Rossatanga-Rignault a exhorté la Cour à rendre une décision qui garantira la stabilité et la paix dans la région, tout en respectant les accords passés entre les deux nations. « Ce différend n’a pas besoin d’être ravivé, mais d’être résolu conformément aux principes du droit international et aux engagements déjà pris », a-t-il affirmé.
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