Mgr François Xavier Ndong Ndoutoume, le premier évêque de l’histoire du Gabon
L’idéologie chrétienne a longtemps tardé à s’implanter durablement au Gabon. En 1777, des capucins italiens tentèrent d’introduire le christianisme en terre gabonaise mais bien qu’ils entamèrent la construction d’un établissement catholique sur les terres Mpongwè, ils n’y restèrent pas longtemps principalement en raison de la pratique du vil commerce des esclaves.
Ce n’est qu’en 1842 et 1844 que vinrent s’installer durablement les protestants en premier, puis les catholiques. Les missionnaires catholiques furent pour la plupart des français notamment Jean Rémi Bessieux et Grégoire Sey. Au fil des années, le catholicisme devient la religion par excellence des indigènes gabonais car elle prônait des valeurs africaines telles que la paix et l’amour qui sont au cœur même des fondements de l’humanité.
Plusieurs autochtones choisirent de s’engager dans des carrières épiscopales pour non seulement sortir le pays du fétichisme pernicieux mais aussi pour lui rendre sa liberté d’antan, bien avant l’arrivée du colon. S’alignant sur cette lancée, d’autres jeunes comme François Xavier Ndong Ndoutoume (1906-1989) décidèrent de combattre les systèmes politiques internes pré et postindépendances dont les intérêts personnels valaient davantage que le bien-être commun.
Naissance
François Xavier Ndong Ndoutoume vient au monde en 1906 dans la province de l’Estuaire précisément dans un village du nom d’Avam situé à proximité de la ville de Cocobeach. Il est de la culture Mékai, la branche Fang/Ekang qui a élu domicile dans la province mère du Gabon.
Appel ecclésiastique et formation
Alors qu’il accompagne un missionnaire du Saint-Esprit encore appelé spiritain à la mission catholique Saint-Paul de Donguila sise à Ntoum, François Xavier Ndong Ndoutoume reçoit l’appel du Très-Haut au village Nzamalighe (qui signifie Dieu Laissa), un des nombreux villages qui composent la petite ville de Donguila localisée dans le département du Komo-Mondah dans la province de l’Estuaire. François Ndong, adolescent, est à l’époque âgé de 17 ans. Bien qu’il soit un brillant élève de la mission catholique Sainte-Marie de Libreville, c’est bien à la mission Saint-Paul de Donguila que le jeune François Xavier qu’il débuta son éducation religieuse et qu’il fut initié aux métiers de charpentier, de magasinier et de boulanger.
L’illustre homme de Dieu
La même année de son appel à servir l’Eternel, il reçoit son baptême en date du 18mars 1923 à Donguila. Regagnant le séminaire Saint-Jean de Libreville en 1925 en y devenant le 38ème séminariste de l’histoire du Gabon, François Ndong Ndoutoume devient prêtre par la suite le 17 avril 1938 après 13 ans de formation épiscopale entre la capitale de l’Afrique équatoriale française (AEF), Brazzaville, et celle du Gabon, Libreville. En janvier et en mars 1936, le jeune Ndong avait déjà remplies ses fonctions liturgiques. Il poursuivit alors son apprentissage en tant qu’assistant de responsable d’église de décembre 1937 au 19 mars 1938, bien avant son ordination à la prêtrise. Il est à cette époque le treizième gabonais à devenir prêtre.
Itinéraire épiscopale
Après que François Xavier Ndong Ndoutoume fut ordonné prêtre le 17 avril 1938, il est dans l’immédiat envoyé à l’intérieur du pays dans la province du Moyen-Ogooué au sein de la ville de Ndjolé à la mission Saint-Michel de Ndjolé. Près de deux ans après, le père François Ndong regagne la province du Haut-Ogooué où il aterrit en 1940. Il exerce entre Lastourville et Franceville dans les missions catholiques Saint-Pierre-Claver et celle de Franceville. En 1942, le père François Xavier Ndong Ndoutoume revient à la case départ de son ministère épiscopal, sa bien-aimée mission catholique Saint-Paul de Donguila.
Preuve de son attachement à cette contrée et de la valeur on ne peut plus profonde qu’il donne à ce lieu de culte, il y officiera durant un « septennat ». Sa prochaine destination sera la ville de Bitam, dans le septentrion. Il y arrive en 1949 et est affecté au sein de la paroisse Sacré-Cœur de Bitam. Mais l’année suivante, le père François Xavier Ndong Ndoutoume se rend bien loin de son Gabon natal pour rejoindre la ville de Rome, cité névralgique du catholicisme romain. A son retour de l’étranger, le père Ndong Ndoutoume est encore envoyé dans le Woleu-Ntem mais auprès de la mission catholique de Mitzic. Il s’y établit jusqu’au lendemain de l’Indépendance.
Mais bien avant 1961, le père François Xavier Ndong Ndoutoume avait été nommé au rang d’évêque titulaire de Rafanée par le pape Angelo Giuseppe Roncalli dit Jean XXIII (23) le 15 novembre 1960, plus de deux mois après que le Gabon n’accède à son autodétermination ; un signal fort de la part du chef de l’église catholique qui est de par cette fonction, l’évêque de Rome. Mais ce n’est que le 2 juillet 1961 que le père François Ndong fut ordonné évêque. Un fait inédit à l’époque car il fut alors le premier gabonais à atteindre un tel grade dans le clergé catholique local.
François Ndong a alors 55 ans mais il officia d’abord aux côtés de Mgr Jean Jérôme Adam en qualité d’évêque auxiliaire de Libreville entre 1961 et 1969.Par ailleurs, la population gabonaise ne donnait aucun intérêt aux différentes nominations épiscopales mais celle d’un autochtone fit changer la donne. En effet, le père Ndong avait été choisi pour son pacifisme et son ancienneté, soutenu en grande partie par les responsables catholiques européens avec il entretenait une relation privilégiée et il a lieu de rappeler que le père Ndong avait déjà accompli moult ministères et dans différentes régions du Gabon. Mais son accession à l’épiscopat ne fut pas bien accueillie par l’ensemble de ses pairs.
Pour ce qui est des catholiques de sa province natale et de son ethnie, cela fut évidemment une fierté indescriptible et une victoire considérable mais des divergences furent constatées au sein de l’opinion. D’aucuns pensaient qu’il avait été nommé pour assurer une transition pacifique entre le clergé indigène et les missionnaires européens avec la décolonisation qui était censée être inactive dans le pays ; ils estimaient qu’il fallait être intransigeant et franc avec les spiritains et non se ravir à leur faire entendre raison dans la légèreté et l’appréhension.
D’autres ont clairement dénoncé cette ordination en la taxant de « favoritisme malsain » orchestrée par Mgr Marcel Lefebvre qui avait pris sous son aile, le désormais Mgr François Xavier Ndong Ndoutoume quand il était à la mission Sainte-Marie ; aussi, personne n’était sans ignorer que Mgr François Xavier Ndong Ndoutoume avait toujours eu un grand enthousiasme pour Mgr Lefebvre. Quoi qu’il en soit, Mgr François Xavier Ndong Ndoutoume continua à exercer aux côtés de l’archevêque métropolitain de Libreville, Mgr Jean-Jérôme Adam. Ce n’est qu’en 1969 que Mgr François Ndong sera nommé à la tête du diocèse d’Oyem précisément le 29 mai 1969. Il y passera près de 13 longues années et y prendra sa retraite. C’était un 23 août 1982.
Combats idéologiques et politiques
Lorsqu’il devient président en 1960, le président Léon Mba est déjà un fervent pratiquant « Bwiti », un rite bien implanté au Gabon. Lorsque mon Mgr François Xavier Ndong Ndoutoume devient évêque en 1961, il est plus tranchant dans ses critiques envers la gestion et la croyance du président Léon Mba, qui est de surcroît son beau-frère car sa sœur Pauline est l’épouse de Léon Mba. Les reproches qu’il fait au mari de sa sœur ne date pas d’hier. En effet, Léon Mba tout comme François Ndong sont tous deux issus de l’éducation catholique et sont tous deux issus de la lignée Fang de l’Estuaire. De plus, Léon Mba est le cadet de Jean Obame, premier prêtre de la communauté Fang. C’est d’ailleurs ce dernier qui l’initia à la doctrine catholique.
Mais quand Léon Mba s’engage en politique au début de la Première Grande Guerre, il prend ses distances avec le clergé qu’il accuse de procéder à une occupation illégale de l’espace gabonais. C’est durant ces années que Mba s’affermit davantage dans le « Bwiti Fang » et qu’il s’éloigne drastiquement de l’église. Mgr François Xavier Ndong Ndoutoume est lui, resté fidèle aux principes du catholicisme et ne digère pas des agissements idéologiques distincts de ceux prônés par les spiritains. Il n’hésite pas à l’époque de tirer à boulets rouges sur la pratique de la polygamie par Léon Mba ainsi que sa proximité avec les Bwitistes. Mais Léon Mba est d’autant plus furieux avec le clergé car celui soutient son adversaire politique de premier plan, Jean-Hilaire Aubame.
Les choses ne s’arrangent pas entre les deux hommes les années suivantes. A l’orée de 1950, Léon Mba lance une vaste campagne d’implantation du Bwiti, axée sur les villages Fang de la capitale. Celle-ci s’avère payante car au début de l’année 1960, plusieurs librevillois abandonnent les lieux de culte et s’adonnent au Bwiti. Plusieurs quartiers en développement comme Sibang ou Nzeng-Ayong sont alors engagés dans une guerre doctrinale entre la religion catholique et le principal rite animiste indigène, c’est-à-dire le Bwiti. Ce qui devait arriver arriva !
Les populations de la capitale abandonnèrent les églises et François Ndong, prit alors la décision de se rendre en Guinée-Equatoriale pour « recruter » des familles afin de venir renforcer les rangs des catholiques gabonais, qui étaient pour l’heure bien maigres. Ces familles voyaient dans cette proposition, une solution pour sortir de la misère dans laquelle leur dictateur de président, Francisco Macias Nguéma, les avait englués. C’est ainsi que Mgr François Xavier Ndong Ndoutoume a pu rééquilibrer les débats en s’activant à mener, lui aussi, des campagnes de sensibilisation sur les bienfaits de la foi chrétienne et sur les méandres de la pratique des rites indigènes tels que le Bwiti.
Politiquement, Mgr François Xavier Ndong Ndoutoume a tout aussi combattu Léon Mba. Mais pour le président Mba, il était inadmissible que des hommes d’église s’ingèrent autant dans les affaires politiques du pays. Mgr Ndong ne manquait aucune occasion pour critiquer les décisions politiques et les magouilles institutionnelles et législatives mises en place par son beau-frère pour faciliter ses entreprises politiques. Léon Mba agacé donna à l’évêque le surnom de « Ndong Makarios », un ex président de la république de Chypre mais surtout un ecclésiastique de religion orthodoxe occupant la fonction d’évêque qui était totalement aux antipodes des dirigeants communistes de l’époque notamment Staline et Khrouchtchev.
Lors du coup du putsch avorté de 1964, Mgr François Xavier Ndong Ndoutoume ne condamna pas cette démarche de renversement du régime de Mba. Avec les arrestations des religieux arrêtés pour leur soutien au coup d’Etat, l’Eglise du gabonaise connu de profondes divisions. En 1967 lorsque Léon Mba meurt, Mgr François Xavier Ndong Ndoutoume se contenta de saluer la mémoire du président sans exprimer la moindre compassion ni le moindre regret. L’arrivée de Albert Bernard Bongo au pouvoir ne changea guère la situation. Il s’opposa plus radicalement, autant que faire se peut, au régime bongoïste qui se nourrissait des dérives du monopartisme. Il combattit le pouvoir de Bongo jusqu’à son dernier souffle.
Auprès du Père
Installé à Libreville depuis sa retraite prise au terme de sa fonction d’évêque qu’il occupa jusqu’en 1982 au sein du diocèse d’Oyem, Mgr François Xavier Ndong Ndoutoume est rappelé auprès du père le 18 novembre 1989 à sa 83ème bougie. Comme il fut le pionnier gabonais assurant les fonctions d’évêque, Mgr François Xavier Ndong Ndoutoume a été inhumé près des Trois Vicaires Apostoliques décédés au Gabon, tous ayant leurs pierres tombales devant l’ancienne église Sainte-Marie, inaugurée en 1864 et située à l’entrée du Boulevard Triomphal.
Dans la ville d’Oyem, Mgr François Xavier Ndong Ndoutoume est l’éponyme d’un établissement secondaire du nom de « Lycée Catholique Mgr François Xavier Ndong d’Angone » implanté dans le quartier Angone.
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