Portrait

Paul-Marie Indjendjet Gondjout, l’un des pères fondateurs du Gabon et du parlementarisme

Paul-Marie Indjendjet Gondjout, l’un des pères fondateurs du Gabon et du parlementarisme
Paul-Marie Indjendjet Gondjout, l’un des pères fondateurs du Gabon et du parlementarisme © 2022 D.R./Info241

A l’exemple de plusieurs grands hommes avant lui, Paul-Marie Indjendjet Gondjout était un architecte républicain bien que son parcours fût entaché de décisions et de rebondissements condamnables comme le fut plusieurs leaders politiques du monde. La trajectoire qu’il donna à son existence était celle d’un homme de principes et de convictions qui étaient certainement celles adaptées à sa réalité spatio-temporelle.

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A l’époque où le Gabon ne pouvait deviner son avenir dans le concert des nations, des jeunes esprits brillants comme Paul-Marie Indjendjet Gondjout nourrissaient déjà une aspiration d’autonomie et de liberté tendant à faire de leur environnement sociétal, un Etat indépendant coupé du joug de l’occupation coloniale. Mais comme bien souvent dans les histoires de lutte des classes et de pouvoir, les intérêts personnels prévalent sur l’intérêt général et bien évidemment sur la conscience collective.

La quête d’une suprématie donnée et dans ce cas précis d’une toute-puissance managériale en matière de politique, galvanisent souvent les âmes les plus éveillées et les plus éloquentes à se pourfendre dans des inutilités et des mesquineries qui n’honorent pas, la majorité du temps, notre instinct social et humain. Quand le Gabon devient un territoire de la France d’outre-mer au sortir de la Guerre de 39-45, des cadres autochtones se convertirent en experts politiques et prirent part aux rixes électorales. Paul-Marie Indjendjet Gondjout s’alignera dans cette logique.

Sentant le vent des « libertés » s’approcher et friser la réalité qui n’était que songe pendant belle lurette, il va s’accommoder à la pratique politicienne stratégique qui s’imposait et former des alliances qui terniront son image. Certainement le lourd tribut à payer pour être assis à la table des chefs à une période de l’histoire de son pays où chacun voulait être très certainement élevé au rang de promoteur dans l’histoire du Gabon moderne. Mais cet homme de haute considération avait toujours eu pour la collectivité, élément fondamentale d’une République, un attachement particulier. C’est en cela qu’il voyait en la Représentation de peuple qu’était le Parlement, le centre névralgique d’un réelle République et d’une bonne gestion des affaires de l’Etat.

 Présentation générale

C’est aux abords du lac « Zilé » dans le village de « Simath », à environ trente minutes de pirogue de « Lambaréné », compris dans le district du Moyen-Ogooué, aujourd’hui reconvertit en province, que naît Paul-Marie Indjendjet Gondjout le 4 juin 1912 dans le Gabon français, colonie du gouvernement général de l’Afrique équatoriale française (AEF). Il est le fruit de l’union d’Eugénie Mboumba à Pierre Gondjout. Ses parents étaient des membres de la communauté « Omyènè/Myènè » encore appelée traditionnellement « Ngwémyènè ».

Six autres âmes sortirent des entrailles de la mère de Paul-Marie. En 1930, il fait la connaissance de Rosalie Matoukou à Port-Gentil, considéré comme la capitale forestière du Gabon. Il l’épouse et lui fera un enfant. En 1951, il convole en justes noces avec une très charmante fille d’ethnie « Vili », une communauté bantoue installée principalement dans le Sud-est du Gabon, la nommée Odette Louembet. Ils fonderont une progéniture de cinq enfants.

 Enseignement

Paul-Marie Gonjout a fait ses classes à l’école Montfort de Libreville fondée en 1902 par les frères de Saint-Gabriel, une congrégation d’enseignants français. L’établissement était situé à la mission catholique Sainte-Marie avant qu’il n’élise plus tard domicile à la mission Saint-Pierre (lieu où est aujourd’hui implantée la présidence gabonaise) et forma quantité d’auxiliaires de l’administration coloniale mais aussi des travailleurs du secteur privé.

Pendant près de dix ans, il est initié à l’art du « bien écrire » et du « bien parlé » pour être élevé au rang de « cadre indigène » dans la société gabonaise en particulier et dans les autres tutelles françaises d’Afrique en général. Il y décrochera notamment son Certificat d’études primaires indigènes (CEPI), un important diplôme à l’époque de la coloniale d’avant la Seconde Grande Guerre. Le jeune Paul-Marie termine son cursus en 1928.

 Carrière professionnelle aéfienne et activisme

Après avoir terminé son instruction académique en 1928, Paul-Marie Indjendjet Gondjout consent, alors qu’il n’a que 16 ans, à être un auxiliaire de l’administration coloniale qui l’introduit dans ses effectifs durant l’année 1929. Il est affecté au poste d’écrivain-interprète. Il commence à travailler dans le chef-lieu du Gabon français, Libreville, puis est envoyé dans la région de l’Ogooué-Maritime dans la ville forestière de Port-Gentil en 1930. Près de trois ans plus tard soit en 1932, il est promu au poste d’expéditionnaire-comptable pour le compte du cadre supérieur de l’AEF.

Paul Gondjout sera par la suite commis principal de l’administration coloniale dans les années 1940. Cependant, quand il s’installa à Port-Gentil pour raison professionnelle, Paul-Marie Indjendjet Gondjout ne fut pas dépaysé ni coupé de sa famille. Ses parents avaient des consanguins sur place car, depuis la nuit des temps, la communauté « Ngwèmyènè » des régions du Moyen-Ogowè et de l’Ogowè-Maritime composée de plusieurs ethnies dont les « Galoas », les « Nkomis » ou encore les « Enengas », partageait des attaches communes de famille par des liens souvent de sang ou de mariage.

Bien installé dans la capitale forestière, Paul Gondjout va se rapprocher davantage des populations de cette localité pour souvent leur apporter assistance. C’est dans cette logique qu’il mettra sur pied, le Cercle amicale et mutualiste des évolués (CAME) en 1943. Cette organisation regroupait des jeunes « instruits » présents sur place à Port-Gentil afin de trouver ensemble, des solutions aux différents problèmes de leur environnement quotidien mais aussi du Gabon. Quand ils le pouvaient, ils venaient souvent en aide à des nécessiteux ou à des jeunes désireux de se faire scolarisés.

Cette attention à l’endroit des populations portgentillaises accroîtra considérablement la notoriété de Paul-Marie Indjendjet Gondjout au sein de la cité forestière. En plus, Paul-Marie ne se lassait jamais de dénoncer les discriminations que subissaient les riverains et la spoliation des ressources premières du territoire par les européens. Un vaste réseau de prédation à travers le pays. Il traitait aussi de ces questions au sein du CAME et organisait des cercles de réflexion sur des questions en rapport avec l’état du système politique du Gabon.

 Genèse dans l’arène politique

Au sein du chef-lieu de la colonie gabonaise, le fils d’un puissant forestier gabonais, Myènè de l’Estuaire, organise en 1945, la naissance de la première formation politique, le Parti démocrate gabonais (PDG). Son nom est Emile Issembè. A seulement 36ans, il fait partie de la classe sociale de « cadre indigène » dans l’administration coloniale. Par le canal de certains de ses contacts, il prend attache avec Paul Gondjout à qui il dit vouloir travailler de concert pour l’hégémonie du parti. Ce dernier accepte et rallie son grand-frère, Raphaël Gondjout, à la cause. Paul-Marie est nommé vice-président du PDG et Pierre Morreau en est le secrétaire général.

Le PDG comprend trois sections : une dans la Ngounié, au Sud du Gabon, une à Port-Gentil et celle basée à Libreville. Ce n’est véritablement qu’en 1946 que ladite entité politique, considéré comme une association des « Omyènè », serait née. Lors des élections de locales de 1947, Gondjout se présente dans la circonscription de l’Ogooué-Maritime au sein même de la ville de Port-Gentil. Sous la bannière du PDG, il et est élu conseiller à l’Assemblée ou Conseil représentatif. C’est bien la première fois qu’il se porte candidat à un tel exercice mais en sort tout de même victorieux tandis qu’Emile Issembè, le président du parti, a essuyé des défaites successives lors des élections constituantes de novembre 1945 puis au cours de celles de juin 1946.

Suite à sa victoire lors des élections locales du 12 janvier 1947, Paul-Marie Indjendjet Gondjout siègera aussi au sein du Grand conseil représentatif de l’AEF basé à Brazzaville. Il le restera jusqu’en 1952. Une nouvelle défaite du président du parti, au cours de la même élection, permettra de donner le leadership à Paul Gondjout. En effet, Emile Issembé avait été aux prises avec René Paul Sousatte lors des locales de 1947 et avait une nouvelle fois perdu par la faute notamment de Jean-Hilaire Aubame, député gabonais à l’Assemblée constituante française. Ce dernier avait soutenu Sousatte qui était un membre éminent de son parti, l’UDSG.

En 1948, le PDG tient son premier congrès non pas à Libreville mais à Port-Gentil. C’est très certainement à ce moment que le parti changea d’appellation et devint le Parti démocrate africain (PDA). Au cours de l’histoire, la confusion a très souvent été faite entre le PDG et le PDA sans pourtant qu’un éclaircissement clair et précis ne soit donné. Mais nous pensons que ce changement de nom serait intervenu lors des premières et seules assises de l’organisation. En 1939, la place de sénateur du Gabon au sein du Conseil de la République française est vacante en raison du décès de Mathurin Anghiley. Paul-Marie Indjendjet Gondjout décide de briguer ce mandat parlementaire.

Lors des sénatoriales du mois de juillet 1949, Paul-Marie Indjendjet Gondjout est opposé à Jean-François Ondo Ndong Owono, candidat du parti de Jean-Hilaire Aubame. Parmi ses autres challengers, il y a aussi Léon Gabriel Mba Minko, fondateur du Comité mixte gabonais créé en 1946 affilié au Rassemblement démocratique africain (RDA) de Félix Houphouët-Boigny. Le scrutin est terni par de nouvelles accusations de tricheries évidentes mais cette fois-ci à l’endroit du PDA.

Paul Gondjout avait en effet invité tout le bureau électif manger et boire chez lui, un acte illégal qualifié de corruptif. Malgré cette difficile confrontation et plusieurs complaintes, celui que ses adversaires politiques appelaient le « serpent venimeux », en raison de son habileté, de sa grandiloquence et de son imprévisibilité, est confirmé à son poste et s’envole pour la France. Direction Paris au Palais de Strasbourg qui abrite le Conseil de la République. Il occupera cette fonction jusqu’au 7 juin 1958 en tant que membre du groupe parlementaires, les Indépendants d’Outre-mer (IOM).

 Ascendance politique

Au courant du mois de mai 1952, une nouvelle élection sénatoriale a lieu dans le Gabon français. Paul-Marie Indjendjet Gondjout est de nouveau confronté à l’UDSG de Jean-Hilaire Aubame qui tente de lui ravir la vedette au sein du Conseil de la République. Gondjout reçoit le soutien du « vieux » Mba et réussit à valider sa réélection. Devenu la principale figure de proue du PDA, c’est depuis Paris qu’il essaye, tant bien que mal, à organiser la vie de sa formation politique. Entre temps, des locales se tiennent aussi en 1952 pour élire de nouveaux conseillers qui seront emmenés à siéger à la nouvelle Assemblée territoriale.

L’USDG de Jean-Hilaire Aubame est la grande gagnante du scrutin et devient la première force politique du Gabon français. Cependant, Léon Mba rentre en contact avec Gondjout pour qu’ils s’unissent et pour qu’ils dominent le paysage politique gabonais au détriment de Aubame dont l’état-major ne cesse de narguer les autres partis. Décision est donc prise en 1953, entre les deux « doyens », de faire de leurs formations politiques respectives, une seule et même entité. C’est ainsi que naîtra le Bloc démocratique gabonais (BDG). Plus en vue au Gabon et en Hexagone, Paul-Marie Indjendjet Gondjout bénéficia du poste de secrétaire général du parti et Léon Gabriel Mba Minko hérita de la fonction de secrétaire général-adjoint du BDG.

Malgré cette alliance prometteuse, l’UDSG remporte sur le fil, l’échéance législative et territoriale de 1956. Grâce à plusieurs soutiens européens et autochtones de Mba et à quelques hommes d’affaires et partisans de Gondjout, le BDG fait un raz de marée dans plusieurs circonscriptions du territoire notamment dans les deux capitales (politique et forestière) mais aussi dans la Ngounié, le Haut-Ogooué ou encore la Nyanga. C’est en grande partie l’importante démographie de la province du Woleu Ntem qui assurera de peu la victoire de l’UDSG.

Par ailleurs, l’issue des élections municipales de 1956 confirmera l’ascendance du BDG sur l’UDSG en portant Léon Mba à la tête de la mairie de Libreville. Pour davantage préparer ses dépendances à la gestion de la Cité, la Métropole va mettre en place de nouveaux organes institutionnel proches de ceux d’une République formelle. Il s’agit du Conseil de gouvernement qui devait se composer d’un vice-président aux fonctions de premier ministre et d’une équipe gouvernementale, tous devant être autochtones du ou citoyen français vivant sur son sol. Mais les deux roublards du BDG vont user d’un vicieux stratagème pour tourner la situation en leur faveur.

Donné perdant en 1956, le BDG se retrouve majoritaire à l’Assemblée territoriale l’année d’après en achetant certains membres d’autres partis politiques pour dépasser, par le biais d’un recours fantoche, le nombre de sièges gagnés par l’UDSG. Les deux secrétaires généraux du BDG finissent par avoir la majorité au sein du Conseil territorial mais elle n’est pas absolue. Les deux organisations politiques sont donc obligées de cohabiter ensemble au sein d’un même gouvernement. Léon Mba devient vice-président du gouvernement le 15 mai 1957. Quant à Paul-Marie Indjendjet Gondjout, il est propulsé au perchoir de l’Assemblée territoriale.

En effet, l’homme croit davantage aux institutions et n’est pour l’heure pas intéressée par un quelconque pouvoir semblable à l’Exécutif. Mais rien la difficile cohabitation politique, qui est très expérimentale à l’époque, ne permet pas d’assurer la quiétude du jeune gouvernement. Pour essayer d’avoir le contrôle du Parlement territorial, Jean-Hilaire Aubame opte pour une stratégie qui consiste à retirer les ministres UDSG du gouvernement et à éprouver le vice-président au moyen d’une motion de censure au Conseil territorial.

Mais celle-ci n’aboutit pas et provoque un important affaiblissement de l’UDSG lié aux départs en cascade de plusieurs « têtes » d’affiche de la formation pour rejoindre le BDG. Paul-Marie Indjendjet Gondjout est maintenu à la présidence de la nouvelle Assemblée territoriale dominée majoritairement par le BDG.

 Son combat pour l’indépendance

Depuis les années 1930 quand il fut envoyé en mission à Port-Gentil pour le compte de l’administration coloniale, Paul-Marie Indjendjet Gondjout ne s’était jamais lassé de soutenir la cause gabonaise en générale et celle des populations indigènes en particulier. Les activités commerciales de puissants hommes d’affaires européens ainsi que celles d’enrichissement du colonat privé ne profitaient guère aux populations locales qui ne devaient se contenter que de salaires miséreux versés sans remord par des patrons d’exploitations forestières et de factoreries ne permettant que de difficilement supporter, les immenses charges familiales auxquelles elles étaient confrontées, les parents vivant presque toujours sous le même toit et en nombre important. Paul-Marie croyait par ailleurs, sans se tromper certainement, que le système politique coloniale n’avait été pensé que pour tirer maximum profit des terres fertiles et riches d’Afrique en muselant les insurgés et en retardant l’émancipation politique. Celle-ci conduisait à la liberté et c’est ce stade psychologique que les européens redoutaient tant.

Quand le pays retrouva un terrain d’expression libre après la Deuxième Grande Guerre, Paul-Marie Indjendjet Gondjout compris dès ce moment que la marche de sa patrie vers l’affranchissement était actée. Lorsque l’occasion lui fut donnée pour en être l’un des instigateurs, il l’a saisie avec force et vigueur. C’est en cela qu’avec sa formation du BDG, il se mobilisa comme jamais, pour rendre possible l’autonomisation du Gabon. Bien qu’elle ne fût pas complètement souveraine, l’indépendance qui était offerte au pays s’inscrivait dans la continuité de l’apprentissage de l’exercice du pouvoir contemporain.

Lors du vote référendaire de septembre 1958, c’est aussi en faveur du « oui » que Paul-Marie Indjendjet Gondjout se tourna en dépit du fait que cette option obligeait les pays concernés, à entretenir des nouveaux rapports politiques et d’échanges avec l’occupant, quoique plus libres que les précédents. Cette volonté était certainement celle de nombreux gabonais qui acceptèrent massivement, lord du vote, de rejoindre la Communauté franco-africaine dont l’objectif réel était d’affiner le bon sens des autorités de Paris, afin de les contraindre à accélérer la transition de leurs anciennes possessions d’Afrique, d’Etat-associé à « République indépendante ».

Soulignons que le « oui » avait récolté plus de 90% des suffrages exprimés. En juillet 1960, Paul Gondjout se tenait aux côtés de Léon Mba, pionnier des premiers ministres gabonais, qui conduisait la délégation gabonaise se rendant à Paris pour négocier les derniers termes des accords entre Libreville et Paris menant à l’accession du Gabon à sa souveraineté internationale.

 Rupture de ban avec Léon Mba

Sa carrière de sénateur au palais de Luxembourg terminée, Paul-Marie Indjendjet Gondjout regagne définitivement le Gabon entre le mois de novembre et de septembre 1958. Après que le Gabon ait accepté d’être indépendant sous le contrôle de la communauté franco-africaine, des nouvelles institutions telles que le Sénat de la Communauté, sont créées. Paul-Marie Indjendjet Gondjout en devient membre en 1959. Mais il s’établit définitivement au Gabon après que le dernier processus encadrant l’indépendance ne soit enclenché à la fin de son mandat de sénateur.

Il continue alors son mandat de président d’institution en occupant la fonction de président de la toute nouvelle Assemblée nationale, ayant changé de dénomination quelques mois avant la date officielle de l’accession du Gabon à la souveraineté internationale. Le 19 février 1959, selon les aspirations institutionnalistes de Paul Gondjout, les travaux de la première Constitution gabonaise s’achèvent et la première loi fondamentale est adoptée ; elle est de type parlementaire et doit être appliquée jusqu’à la déclaration de l’indépendance du pays, ce que rejette Léon Mba.

Des discordes apparaissent au sein du BDG entre Gondjout, son secrétaire général, président de l’Assemblée législative et Léon Mba, son secrétaire général adjoint occupant les postes de maire de Libreville et de premier ministre de la République.
Avec le concours de Jean-Hilaire Aubame, un compromis est trouvé entre les deux figures du giron politique gabonais. Le 14 novembre 1960, une nouvelle Constitution à dénotation parlementaire est adoptée. Cependant, Léon Mba a toujours du mal a avalé la pilule, lui qui est plus charmé par l’idée d’une concentration absolue du pouvoir et donc par l’idée d’un parti-Etat.

Comme le président ivoirien, Houphouët-Boigny, il veut régner avec une autorité illimitée en s’arrogeant tous les pouvoirs. Le 10 novembre, Léon Mba congédie tous les ministres d’origine européenne au sein du gouvernement sans consulter le Parlement. Paul Gondjout et plusieurs députés du BDG sont furieux envers le premier ministre qui vient de violer la Loi fondamentale et ils le font savoir. Gondjout utilise une motion de censure pour faire invalider la décision et donc désavouer Léon Mba qui voit dans cette façon de faire, une tentative de son frère d’armes visant à s’emparer de son pouvoir.

Réflexion cadrant très bien, dans le fond, avec la situation car même si elle était légale, le dessein inavoué de Paul-Marie Indjendjet Gondjout était de s’emparer du « trône » jalousement gardé par son allié de toujours. Avec l’indépendance et la fonction de chef de la République qui s’annonçait, c’était là une bien belle occasion que Léon Mba lui donnait pour inverser les rôles et pour asseoir son projet de parlementarisation du pouvoir, facteur primordial selon lui, d’une gestion éclairée du pays.

Remonté, le premier ministre décide de frapper vite et fort. Il ordonne l’emprisonnement de Sossa Simawongo, Luc Marc Ivanga et de Paul-Marie Indjendjet Gondjout respectivement président du groupe BDG au parlement, vice- président et président de l’Assemblée nationale. Le 16 novembre 1960, décision est prise par Léon Gabriel Mba, de suspendre la Constitution du 14 novembre 1960 et de dissoudre la représentation du peuple en convoquant une nouvelle échéance législative en février 1961.

Après l’avoir nommé en 1963 au poste éphémère de président du Conseil économique et social du Gabon (en ces temps, cette institution en abrégé CES n’était pas selon les textes en vigueur de l’époque effective car elle ne sera consolidée que par l’ordonnance n°12//PR du 20 février 1963 notamment avec ses assises inaugurales du 13 mai 1963) ancêtre de l’actuel Conseil économique, social et environnemental (CESE), Paul Gondjout est démis de ses fonctions au CES lui qui était placé en résidence surveillée depuis le 14 novembre 1960.

Le « frère » d’hier est soudainement devenu l’ennemi d’aujourd’hui en raison d’une guerre de pouvoir. Mais sur les conseils de plusieurs cadres du BDG, le président Léon Mba, élu tel quel en tant que candidat unique le 12 février 1961, introduit à nouveau Paul Gondjout dans la gestion du pays. Il le nomme à la présidence de la cour des comptes en 1963. Le 17 février 1961, une constitution est à nouveau établie et renforce intolérablement l’autorité de Léon Mba.

Cependant, en février 1964, un coup d’Eta mené par le Comité militaire révolutionnaire présidé par le lieutenant de gendarmerie Jacques Mombo acte la chute de Léon Mba et Paul-Marie Indjendjet Gondjout est nommé dans le gouvernement provisoire civil mis en place au poste de ministre d’Etat, ministre des Finances, lequel a pour chef Jean-Hilaire Aubame. Il accepte la proposition. Or, le président général de Gaulle et son Monsieur Afrique, Jacques Foccart, rétablisse leur ami Mba au pouvoir. Léon Mba ordonne l’arrestation de toutes les personnes ayant pris part à cette malencontreuse opération. Le temps que le procès ne débute du 25 août 1964, Paul-Marie Indjendjet Gondjout fut incarcéré à « Dom-Les-Bam », un bagne situé non loin de Libreville.

Au moment du procès, le chef de l’Etat chargea, Léon Augé, de juger les hors-la-loi. Cependant, la nouvelle jeune garde politique gabonaise avait un très grand respect et une énorme considération pour le président déchu de l’Assemblée législative. Alors qu’il était étudiant en France, Léon Augé nouait une assez bonne relation avec l’accusé. Plusieurs autres apprenants à Paris le considéraient comme un homme digne, censé et d’une grande compétence. Il ne pouvait donc pas prononcer une condamnation à son égard car les valeurs bantoues et catholiques qu’ils possédaient, ne pouvaient être en corrélation avec un tel agissement de sa part. Surtout qu’aucune preuve ne l’accablait. Ce dernier déclarera même « Il n’était pas question pour moi de condamner cette grande figure de notre indépendance. ».

Léon Augé acquitta alors Paul-Marie Gondjout sans avoir au préalable consulté Léon Mba mais dans le fond il aurait souhaité déclarer un non-lieu afin d’innocenter tous les auteurs du putsch mais était très embarrassé à cause d’une phrase qu’aurait prononcé le président Léon Mba après avoir été réinstallé à la présidence ; Gondjout, lors de son passage à la barre, avait indiqué avoir appris via la radio, la démission de Léon Mba et avait été conduit à la présidence dans un véhicule de liaison de marque « Jeep » par des militaires venus le chercher à son domicile.

Si l’on s’en tient au témoignage de Emmanuel Ekomi Mbéné, ministre de l’Information, des Postes et des Télécommunications du gouvernement provisoire de 1964, dans son livre « Le coup d’Etat de 1964 : Ma part de vérité », les mots utilisés par Léon Mba furent « Je n’aurai ni pitié ni pardon ; si je quitte le pouvoir, je laisserai le Gabon à feu et à sang ». En toute vraisemblance, si le pouvoir avait été remis à Gondjout, les français se seraient très certainement abstenus de s’impliquer dans les affaires internes d’un pays « indépendant », ce dernier étant l’un des pères fondateurs de la République gabonaise et un ancien locataire du Sénat français. En expliquant au lieutenant parachutiste de gendarmerie formé à l’école spéciale militaire de Saint-Cyr, Daniel Adzo Mbéné, l’indigne affront qu’avait fait subir Mba à Gondjout, Mbéné aurait convaincu Essone de confier le pouvoir à Gondjout bien qu’il ne le connaissait pas personnellement.

C’est bien ce que souligna Emmanuel Mbéné dans sa production littéraire en révélant par ailleurs que Jean-Hilaire Aubame avait fait subir une humiliation à son géniteur et que si Daniel Mbéné avait été le concepteur en chef du putsch, plusieurs déconvenues auraient été évitées. Une autre option aurait aussi été plus efficace. En effet, si les militaires n’avaient pas remis le pouvoir à un civil mais plutôt à un des leurs notamment le Général Nazer Boulingui Koumba, en ces temps capitaine, les français auraient réfléchi à deux fois avant de s’engager dans une opération contre un véritable vétéran franco-gabonais de la guerre. Il savait très certainement comme Daniel Mbéné que les fusils « MAS 36 » encore appelés « fusils modèle 1936 » qu’utilisait l’armée gabonaise étaient des armes d’un autre âge, du temps de la Seconde Guerre Mondiale ou encore de la guerre d’Indochine de 1946 à 1954 ou de celle d’Algérie de 1954 à 1962. En effet, ces armes s’enrayaient déplorablement après environ une quinzaine de coups de feu.

 Dernières fonctions

Paul-Marie Indjendjet Gondjout était bel et bien vivant quand Léon Mba mourut en 1967. Après que son cadet, Albert-Bernard Bongo, ne prenne le pouvoir, Paul Gondjout fut à nouveau aux affaires. Bongo le nomma d’abord président de la Cour suprême en 1968 puis le rétablit président de l’Assemblée nationale de 1975 à 1980. En 1980, il fut promu au poste de Conseiller d’Etat jusqu’en 1990.

 Décès et hommages

Paul-Marie Indjendjet Gondjout a plongé dans le sommeil éternel, éreinté et souffrant, le 1er juillet 1990 dans son domaine de « Makengoué », terre de son domicile familial sis à Libreville. En guise d’hommage, des ouvrages ont retracé la vie et les épisodes politiques de cette emblématique fondateur de la nation gabonaise notamment celui intitulé « L’exclusion de Paul-Marie Indjendjet Gondjout du Bloc démocratique gabonais, un épisode de sa rivalité avec Léon Mba » écrit par Jean-François Owaye, professeur gabonais Titulaire (CAMES) d’Histoire contemporaine à l’Université Omar Bongo (UOB) préfacée de son compatriote gabonais, Hughes Mouckaga, professeur Titulaire (CAMES) en Histoire ancienne à l’UOB, est paru de Libreville 19 octobre 2015.

Un autre professeur gabonais titulaire en géosciences politiques à l’UOB, Marc-Louis Ropivia, a aussi écrit une œuvre sur la vie du défunt « Paul-Marie Indjendjet Gondjout, un pionnier dans la construction du Gabon contemporain » paru en 2012. Sampérode Mba Allogho, historien et journaliste gabonais titulaire d’une maîtrise en Histoire et en Communication, avait lui soutenu sa thèse de maîtrise d’Histoire à Libreville en 2005. Elle avait pour titre « Paul-Marie Indjendjet Gondjout, L’homme et son œuvre ».

Après le décès de Paul Gonjout, un établissement secondaire de l’Estuaire fut rebaptisé en son nom. Il s’agit de l’ancien lycée d’Etat de l’Estuaire aujourd’hui renommé Lycée Paul Indjendjet Gondjout. De plus le 4 juin 2012, une messe d’actions de grâce avait été organisée pour célébrer le centenaire de la naissance de l’ancien co-fondateur de la République gabonaise.

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