Procès Bongo : les avocats de la Young Team vont faire appel et dénoncent un “verdict d’opportunité”
Le procès des membres de la Young team, proches de Sylvia et Noureddin Bongo Valentin, est loin d’être fini. Le verdict tombé à l’aube ce mardi, après six jours d’audience éprouvants devant la Cour criminelle spéciale de Libreville, n’est pas du tout du goût des 8 des 10 accusés qui ont été copieusement sanctionnés. A peine la décision prononcée, les avocats de la défense sont sortis hier du silence… pour mieux rugir. Entre accusations de « décision d’opportunité », critiques sur « l’invention de nouvelles incriminations » et dénonciation d’un procès « où les questions de droit n’ont pas reçu de réponse », les conseils ont indiqué se pourvoir en cassation non sans livrer une charge frontale contre la juridiction.
Un verdict jugé arbitraire par la défense
Pour Me François Meye M’efe, l’un des avocats en première ligne, la Cour a rendu une décision fondée non pas sur le droit, mais sur l’air du temps. « Ce qui est évident, c’est que nous allons déposer, dans les délais, un pourvoi en cassation », a-t-il déclaré, estimant que la juridiction n’a pas répondu aux interrogations essentielles de la défense, notamment sur le statut professionnel de leurs clients. Selon lui, hormis Gabin Otha Ndoumba, « tous les autres n’étaient pas des comptables publics ».
Les plaidoiries de ce lundi de la défense
Et il s’interroge : « Nos clients sont-ils devenus comptables publics pour avoir accès et gérer les deniers publics ? ». L’avocat souligne que l’article 16 du statut général de la Fonction publique ne peut en aucun cas s’appliquer à leurs clients. Pire, il accuse la Cour d’avoir « inventé d’autres incriminations, telles que le trouble aux opérations d’un collège électoral » , citant l’exemple de ce qui a été retenu contre Jessye Ella Ekogha, qu’il juge totalement infondé.
“Une occasion ratée pour démontrer l’indépendance de la justice”
À la déception s’ajoute le sentiment d’un procès mené trop vite, avec un délai jugé insuffisant pour préparer les ultimes observations : « Nous avons eu cinq jours pour nous pouvoir » , déplore Me Meye. L’accusation, elle, avait déjà appelé à l’acquittement de deux prévenus, ce que la Cour a suivi en relaxant Steeve Ndegho Dieko et en acquittant Gisèle Mombo.
Mais pour le reste, la défense estime que le tribunal a choisi la sévérité au détriment du droit. Les avocats dénoncent aussi ce qu’ils considèrent comme une incohérence dans l’appréciation des faits : « Cela n’a rien à voir avec Ntoum où les troubles étaient manifestes », ont-ils comparé, pointant une justice « à géométrie variable ». Pour eux, tant que l’auteur des faits, Ali Bongo protégé par son immunité constitutionnel, leur donneur d’ordre n’est pas condamné, les complices ne le peuvent également.
Des peines lourdes prononcées
Le verdict de ce 18 novembre a été lourd pour plusieurs accusés, malgré leurs excuses publiques :
Jessy Ella Ekogha : 10 ans de prison dont 7 avec sursis + 25 M FCFA d’amende
Jordan Camuset : 3 ans avec sursis + 5 M FCFA d’amende
Oceni Ossa Mohamed : 15 ans dont 5 avec sursis + 10 M FCFA d’amende
Ali Abdul Saliou : 15 ans dont 5 avec sursis + 10 M FCFA d’amende
Otha Ndoumba Gabin : 3 ans dont 1 avec sursis + 5 M FCFA d’amende
Yolande Gisèle Mombo : 26 mois de prison + 25 M FCFA d’amende
Kim Oun : 5 ans dont 2 avec sursis + 50 M FCFA d’amende
Ian Ngoulou : 15 ans dont 5 avec sursis + 10 M FCFA d’amende
Cyriaque Mvourandjami : 26 mois + 25 M FCFA d’amende
Steeve Ndegho Dieko : relaxé, comptes bancaires dégelés
Tous – sauf les acquittés – sont également soumis à des réparations civiles colossales atteignant plusieurs milliards de francs CFA. Pour la défense, ce procès restera comme un rendez-vous manqué. « C’est une occasion ratée où nous devrions faire la démonstration de l’indépendance de la justice. Malheureusement, cela n’a pas été le cas… » , fulmine Me Meye. Les avocats préparent déjà leur recours et se disent déterminés à aller au bout.
Après un procès marathon, c’est désormais une bataille juridique tout aussi intense qui s’annonce. Et cette fois, l’enjeu se déplacera des prétoires de Libreville vers ceux de la Cour de cassation, où la défense espère renverser la vapeur.
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